Le ''Beef'' dans le Rap créole : un phénomène contre productif
EDITORIAL -- Beef est un mot anglais habituellement utilisé dans le vocabulaire du Rap et du Hip Hop américain pour parler de conflit entre deux rappeurs ou de leurs clans. Ce virus a aussi atteint le Rap créole et aujourd'hui il est important d'en parler avant que cela fasse des ravages capables de saper le travail accompli depuis des années par les associations comme ASRAP, Konbit etc.
Lors des premières rencontres organisées par RAPFORUM en mars 2005, ce phénomène fut au coeur des débats. Beaucoup de rappeurs ont en effet pris conscience que le "beef" loin de les faire avancer était contre productif. Et ils ont donc conclu que le "Beef" ou "Chirepit" dans le Rap créole, au lieu d'attirer le public, le fait fuir et le pousse à considérer le Rap créole comme un espace de pugilat entre frustrés.
Aujourd'hui, je me suis décidé à parler de ce phénomène à cause d'un "beef" qui fait l'actualité dans la communauté. Il s'agit du conflit opposant certains membres de Barikad et de NGS, deux groupes composés de rappeurs talentueux. Nonosbstant les raisons qui peuvent motiver ce "beef", plusieurs observateurs sont d'avis, que ces groupes feraient mieux de s'occuper de la préparation de leur chanson de carnaval au lieu d'exposer au grand public des conflits qu'ils pourraient régler entre amis.
D'autre part, faire une chanson pour injurier un autre rappeur, cela ne fait aucun sens et n'aura aucun effet sur le public qui n'est pas au courant des problèmes internes de la communauté. Le public veut de belles chansons avec des paroles qui le touchent, qui traduisent sa réalité, qui prennent sa défense. En somme, des chansons auxquelles il peut s'identifier. Des chansons que les animateurs de radio sont fiers de faire tourner, qui sont bien écrites, bien interprétées, sur des instru (Beat) bien enregistrés et présentées dans des pochettes impeccables. Des chansons que les promoteurs de concerts veulent présenter au public. Voila le défi aujourd'hui. Tous ceux qui sont dans le Rap créole pour le "beef" se sont trompés de domaine d'activité, ils devraient se convertir en lutteurs ou boxeurs. Car, le rappeur professionnel qui doit entrer en studio ou faire la promotion de son album, qui doit répéter pour une prestation, il n'a pas le temps pour les "beef", ou au pire, il les utilise comme accessoires promotionnels. Cela ressemble plutôt aux catcheurs, mais attention, cela finit toujours par lasser le public.
Il est possible et même comprénhensible que des artistes soient en compétition et que cela peut dégénérer en conflit. Mais il faut qu'il y ait un enjeu. Aujourd'hui, ou est l'enjeu? Que représente vraiement le Rap créole en terme de chiffres d'affaires dans l'industrie musicale haïtienne? Combien de disques de Rap ont été publié durant l'année 2005? Comme quoi, l'ennemi n'est pas parmi nous. Donc, les rappeurs feront mieux de se concentrer sur leur création au lieu de disperser leur énergie dans des conflits sans grandeur qui mettent le mouvement en danger.
Si certains rappeurs pensent que le "beef" fait partie du Rap c'est bien par paresse intellectuelle, car une simple analyse devrait leur permettre de voir son effet négatif. Aucun producteur, annonceur ou toute personne capable d'investir dans le domaine n'est prête à assumer ce genre de comportement. Et le Rap créole ne pourra jamais se développer s'il ne fait pas l'objet d'un encadrement financier et institutionnel capable de promouvoir les vrais talents.